L’angoisse de la palette propre
Tout à chacun connaît l’angoisse de la page blanche, l’écrivain hésite, balbutie, tergiverse mais finit par se noyer dans le bleu de son encre, faute de plonger dans le bleu des yeux de sa belle, ce qui donne de bien belles satisfactions mais ne fait guère avancer « l’œuvre littéraire »
Voilà plus de quarante ans que je barbouille , sinon peins et depuis tout ce temps , chaque matin je me complais dans des pudeurs de jouvenceau au bas de l’escalier…
Pour avoir des couleurs propres , on m’a appris à nettoyer palettes et pinceaux après chaque séances d’atelier si bien qu’au fil du temps ma palette a pris une patine aussi belle que terrifiante pour le lendemain.
Ca y est, je suis prêt à me mettre à peindre, j’ai ceint un tablier de jardinier pour me protéger des attaques aussi perfides qu’opiniâtres des couleurs sur les vêtements, à ce sujet, voilà encore un mystère non élucidé : bien que cuirassé de la sorte, une inspection même superficielle de ma garde robe montre qu’aucune pièce de ma vêture n’est épargnée, D’aucunes, dont ma brave mère pensent que je ne suis qu’un malpropre, mais moi , je crois qu’un mauvais génie ,une sorte de korrigan malicieux, qu’il serait bien vain de combattre d’ailleurs, prend grand plaisir à rappeler à l’élégant que je devrais être sa basse condition de barbouilleur.
Revenons à nos moutons, sinon à ma palette, voilà qu’il devient urgent de passer le balai dans l’atelier, de ranger la table de dessin. Il faut absolument que je vide la boite aux lettres de sa moisson quotidienne de prospectus. Mais ne serait ce pas l’heure du café de la matinée ? Quand je fumais, une pipe devait être nettoyée , bourrée, allumée, appréciée, je ne fume plus mais il me reste la vaisselle du petit déjeuner à faire.
Enfin j’étale mes couleurs sur la palette, toujours dans le même ordre. et c’est parti.
Tant qu’il y aura des couleurs , des toiles et des palettes il y aura du boulot pour les psys de tout poil...